Les petits gestes pour sauver la planète... ont de petits effets
Le petit geste pour sauver la planète, c'est le lexomil vert qui donne bonne conscience en procurant le sentiment du devoir accompli. Mais il a de petits effets.
Nous sommes sincèrement disposés à faire quelques gestes pour sauver la planète. ![]() Des gestes... oui – mais des petits gestes ! Nous sommes verts, mais nuance vert pâle ; "écolos ma non troppo". Nous sommes disposés à fermer le robinet pendant qu’on se brosse les dents, même si au hit-parade des petits gestes qui ne servent à rien, celui-là est dans le top-ten, presque en pool-position… Parce que ce filet d’eau économisée n’est rien par rapport aux 1 000 litres d’eau nécessaires pour produire un litre de lait, aux 2 700 litres pour un tee-shirt en coton, aux 15 000 litres pour un kilo de bœuf. En outre, les petits gestes sont réservés à une minorité, les voyageurs de première classe sur le navire planète. Comment feront-ils pour couper la veille d'une télévision qu'ils n'ont pas, pour fermer le robinet qu'ils n'ont pas, tous ceux qui n’ont pas d'électricité, pas d’eau courante, pas d’eau potable, pas de robinet, pas de brosse pour se laver les dents, et parfois même plus de dents ? Ils sont des milliards, leur problème est d'avoir enfin l'eau courante, l'électricité, la télévision ; et un dentier. Le lexomil vertL'effet pervers du petit geste est de donner l'illusion que le réchauffement climatique serait soluble dans quelques petits gestes faciles de second ordre, sans rien changer de notre façon de vivre. Il s'agit de second ordre parce que le tri des déchets de notre consommation est évidemment de second ordre par rapport à notre consommation. Le gaspillage des emballages est de second ordre par rapport à ce qu'ils emballent. L'achat local de quelques légumes est de second ordre par rapport à notre consommation globale. Le petit geste pour sauver la planète, c'est le lexomil vert qui donne le sentiment du devoir accompli ; il donne bonne conscience au conducteur de SUV qui débranche son chargeur de téléphone portable, petit geste écologiquement recommandé ; il apaise, c'est un calmant, même s'il n'est pas remboursé par la sécurité sociale. Débrancher le chargeur permet d'économiser en une journée l'énergie dépensée par une voiture moyenne... pendant une seconde. Mais, dira-t-on, un petit geste multiplié des millions de fois, finira par avoir des effets considérables. les petits ruisseaux font les grandes rivières. C’est vrai en absolu ; les petits gestes méga-économisent des millions de tonnes de pétrole chaque année… Mais c’est faux en relatif ; les petits gestes méga-économisent des millions de tonnes – mais nous giga-consommons des milliards de tonnes. les petits gestes méga-économisent des millions de tonnes – mais nous giga-consommons des milliards de tonnes. Le petit geste, même multiplié, n'aura que de petits effets tant qu'il sera petit par rapport à ce que chacun consomme. Nous percevons mal les ordres de grandeur. C'est pourquoi le mythe des petits gestes qui sauvent la planète fonctionne aussi bien. Par exemple, nous trions nos déchets. Bravo ! Ce petit geste permet d’économiser quelques millions de tonnes de CO2 en une année en France. Des millions de tonnes ! C'est énorme ! ... En réalité, cette "énorme" économie correspond aux émissions de CO2 en Chine en quelques heures seulement. Et il suffit d'un voyage en avion pour effacer ce qu'un foyer français permet d'économiser ainsi en un an. Trions. Mais les poubelles multicolores des pays développés ne suffiront pas pour sauver la planète.
Un exemple du déphasage entre les petits gestes des pays développés et la réalité. Nous achetons de l'eau en bouteille – généralement sans nécessité puisque nous avons le plus souvent un robinet fournissant une eau potable contrôlée. Nous sommes ensuite très fiers de trier les bouteilles vides, avec le sentiment du devoir accompli... Pendant ce temps, de l'autre côté de la terre, des milliards de terriens n'ont pas de robinet, pas d'eau, pas d'eau potable – ce qui est à l'origine de centaines de milliers de décès par an, surtout des enfants [1]. Il faudrait 10 milliards de dollars par an pour mettre fin à cette tragédie, estime l'UNDP (United Nations Development Programme). (Beyond scarcity: Power, poverty and the global water crisis - United Nations Development Programme - Human Development Report - 2006). C'est une somme importante... qui est pourtant bien inférieure à ce qui est dépensé chaque année en eau en bouteille... par ceux qui ont un robinet avec de l'eau potable. (Marché de l'eau en bouteille : 200 milliards de dollars - 2020, en croissance) Trier les bouteilles en plastique, c'est bien. Le petit geste c'est peu de chose. Mais on a inventé le trophée du "plus grand petit geste" ; par exemple, traverser l'océan avec seulement des énergies renouvelables. Christophe Colomb l'a fait ; C'est simple, il suffit d'avoir un prince dans ses amis, qu'il vous prête son superbe voilier, et voilà ! ... Ah non, il faut aussi avoir un équipage sous la main ; et six billets d'avion pour le retour de l'équipage. Il a fallu six traversées de l'Atlantique en avion pour "démontrer" qu'on peut traverser l'Atlantique sans prendre l'avion ! (Greta Thunberg : son voyage en voilier va nécessiter plusieurs vols en avion - et autres).
[1] « La diarrhée tue 525 000 enfants âgés de moins de 5 ans chaque année. [...] La diarrhée résulte la plupart du temps de l’eau ou d’aliments contaminés. » (OMS – 2017).
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Mise à jour : 2 décembre 2022