Énergie, climat, alimentation. Adaptation des espèces.

 

 


Transition énergétique - La voiture électrique est-elle un bon cheval écologique ?

 

 

 

La voiture électrique ne pollue pas.
Mais il faut produire l'électricité...
… et produire l'électricité pollue.

L'électricité est majoritairement une énergie fossile sur la planète.
... La voiture électrique est majoritairement une voiture fossile.

 

La voiture électrique ne supprime pas les émissions de CO2, elle les déplace.

Pour la Chimène électrique toute la galaxie verte a les yeux de Rodrigue… tous tressent pour elle des couronnes de lauriers verts.

Il est vrai que c'est une belle fille, séduisante et propre sur elle à première vue ; elle ne pollue pas ; elle fleure bon l’herbe des prés et les fleurs des champs, les papillons volettent en dansant autour d’elle…

Le problème... c'est qu'il faut produire l'électricité... il y a 63 % d'énergies fossiles dans l'électricité mondiale (7,1 % pour les énergies éolienne et photovoltaïque) (2019).

L'électricité est majoritairement une énergie fossile.

La chimène électrique roule
principalement aux énergies fossiles, à 63 %.
Sauf en France, grâce au nucléaire.

 

pollution centrale thermique

La voiture électrique n’apparaît propre que lorsqu'on ne voit pas plus loin que le bout du pot d'échappement. Dans beaucoup de pays, le pot d'échappement de la voiture électrique c'est la grosse cheminée d'une centrale – au charbon, au gaz, au pétrole. La voiture électrique ne supprime pas les émissions de CO2, elle les déplace ; elle n'émet pas de CO2 localement, dans la ville où elle circule, elle l'émet ailleurs, via les centrales électriques.

« Tout d’abord écartons un mythe. Si une voiture électrique n’émet pas directement de CO2, la production d’électricité, elle, est toujours source d’émissions de CO2. Et cela peut même conduire à des situations pires qu’avec un seul véhicule thermique, en fonction de la source d’énergie à l’origine de la production d’électricité. » (La voiture propre n’existe pas… - France Nature Environnement ; FNE est une fédération qui rassemble près de 3000 associations de protection de la nature et de l’environnement en France métropolitaine et en Outre-mer.)

Globalement, la voiture électrique n’est pas la "madame propre" que l'on veut nous vendre – cher.

Les bénéfices écologiques de la voiture électrique ne sont pas automatiques. Ils peuvent même être négatifs. Ils dépendent du mix énergétique du pays où elle roule et du pays fabriquant la batterie.

Les émissions de CO2 de la voiture électrique ont deux origines princpales : 1] les émissions "de roulage" lorsque la voiture circule, et 2] les émissions lors de la fabrication de sa batterie.

La pollution de roulage

Les émissions de roulage dépendent de la façon dont l'électricité utilisée est produite, charbon, renouvelables, nucléaire, etc. L'électricité que l'on imagine propre, immatérielle, est en réalité plus ou moins pesante, pesante de pollution, de CO2. Produire de l'électricité pollue. Le kWh qui passe dans une prise de courant a un poids, exprimé en g CO2 /kWh. Quelques exemples :

 

Pologne :     815 g CO2/kWh
Allemagne : 495
Italie :         390
Ue28 :         340
France :      40

 

Ainsi, dans le cas d'une voiture moyenne consommant 0,2 kWh/km, une voiture électrique émet, en France, pour le roulage, environ 10 g CO2/km.

En Allemagne elle émet environ 100 g CO2/km.

Dans les deux cas, lorsqu'elle roule, la voiture électrique émet indirectement du CO2, mais en émet moins (beaucoup moins dans le cas de la France) qu'une voiture à moteur thermique récente qui émet généralement plus de 100 g CO2/km.

Les émissions de fabrication : la "dette-batterie"

En roulant, la voiture électrique émet du CO2, indirectement via la centrale électrique, mais peut en émettre moins qu'une voiture à moteur thermique. Mais cela ne suffit pas pour lui décerner un brevet de vertitude. Il faut aussi considérer l'énergie qui a été dépensée pour la fabriquer et particulièrement pour fabriquer la batterie. Il faut considérer l'ensemble de son cycle de vie : il ne suffit pas de considérer sa vie de papillon des villes, il faut aussi considérer sa vie de larve, dans les usines où elle a été fabriquée [1]. En ce qui concerne la structure de la voiture, châssis, carrosserie, etc. il n'y a pas de différence significative entre une voiture électrique et une voiture non électrique ; la dette de fabrication est du même ordre dans les deux cas. La différence, considérable, vient de la batterie. La fabrication des batteries consomme en effet beaucoup d'énergie, 100 à 200 kg CO2/kWh de batterie selon les technologies et le pays de fabrication ; prenons 100 kg CO2/kWh.

La fabrication d'une batterie de 40 kWh (voiture moyenne) émettra donc environ 4 000 kg de CO2. Il faut les récupérer en roulant. Avec les paramètres donnés ci-dessus on obtient les résultats approximatifs suivants pour une voiture moyenne ayant une batterie de 20 à 40 kWh. (Les résultat sont plus mauvais pour une voiture ayant plus d'autonomie avec une batterie plus importante) :

 

• En France, grâce à son électricité nucléaire bas carbone, une voiture électrique moyenne commence à économiser du CO2 par rapport à une voiture thermique au bout de 50 000 km environ.

• En Allemagne,dont l'électricité est à 50 % d'origine fossile, une voiture électrique n'économise pas de CO2, ou à peine.

• En Pologne ou en Chine, la voiture électrique... est une voiture au charbon !
C'est pire qu'une voiture à essence.

 

 

Voir par exemple : LA FRANCE AMORCE LE VIRAGE VERS LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE

 

La voiture électrique est-elle écologique ?

Il n'y a pas de réponse oui/non à cette question simpliste.

Les bénéfices écologiques de la voiture électrique ne sont pas automatiques. Ils dépendent du pays de fabrication de la batterie, et du mix énergétique du pays où roule la voiture.

Les mix énergétiques des énormes pays émergents, la Chine, l'Inde, qui concentrent une large part de la population de la planète, ne sont pas favorables à la voiture électrique.

 

On peut parier sur le cheval électrique,
... à condition d'être cohérent et de miser sur l'écurie nucléaire.

La véritable transition énergétique dans la voiture

 

La véritable transition énergétique dans la voiture...

... est d'en réduire l'usage,

au profit des transports en commun.

 

La voiture électrique a cette qualité de ne pas polluer l'air de la ville où elle circule.

Elle a aussi des faiblesses. Elle est petite, de faible autonomie, essentiellement adaptée (limitée ?) à une utilisation locale, citadine, de préférence en été.

 

"Petites". Mais les hommes, de grands enfants, des m'as-tu-vu, préfèrent les grosses voitures, celles qui "en jettent".

 

« La préférence des consommateurs pour les SUV pourrait neutraliser les gains obtenus grâce aux voitures électriques. » (World Energy Outlook 2019 - Résumé)

 

"Utilisation locale". Imaginons en effet une petite voiture électrique qui emmène sa petite famille (obligatoirement petite) en vacances au bord de la Méditerranée. Combien de jours faudra-t-il avant de plonger dans la grande bleue ? Non seulement l'autonomie des batteries est faible, mais en outre il faut du temps pour les recharger... quand il y a des points de recharge.

On peut augmenter l'autonomie en augmentant la capacité de la batterie... ce qui augmente la dette de fabrication de la batterie, de sorte que la grosse berline électrique est non compétitive écologiquement par rapport à une voiture thermique. Plus globalement, la grosse berline – électrique ou non – est un contresens écologique. Et cette débauche de batterie ne résout pas le problème du temps de rechargement.

Les voitures hybrides, thermique + électrique, permettent de contourner ce problème de l'autonomie électrique. Mais il s'agit souvent de véhicules gros et lourds. Une grosse voiture individuelle, est-ce écologique ?

En été : quand il fait jour, chaud, qu’il ne pleut pas : pas de chauffage, ni anti-buée, ni essuie-glace, ni phares allumés ; et oublions la climatisation…

 

Mais alors, à quoi sert de subventionner des « bobomobiles » électriques, personnelles, qui ne servent qu'en ville, là où il y a déjà un covoiturage massif – ça s'appelle bus, RER, métro, tramways... Ce sont ces transports en commun qui permettent réellement, déjà, de faire des économies de pollution, d'énergie, et d'encombrement de circulation.

Quel est le meilleur investissement écologique : subventionner les voitures électriques pour remplacer les voitures thermiques, ou subventionner les transports en commun, pour qu'ils soient denses, fréquents, confortables ?

La voiture électrique ne remplace pas la voiture thermique pour tous les usages. Elle ne remplace pas la berline familiale avec son réservoir de 50 litres.

C'est pourquoi la voiture électrique est parfois achetée en tant que seconde voiture, en plus du SUV. La voiture électrique pour les trajets quotidiens en ville, le SUV pour toute la famille le week-end et pendant les vacances.

Est-il écologique de subventionner une seconde voiture personnelle, même électrique ? (On ne parle pas ici de certains impératifs de la vie de famille en banlieue.)

Veut-on vraiment des villes où de rares bus ou tramways, trop peu nombreux, bondés, circulent au milieu d'une mer de voitures électriques engluées dans les encombrements – pendant que dans les parkings attendent les grosses berlines à essence qui emporteront toute la famille à la campagne le week-end, avec la poussette de la petite dernière ? Et durant ce voyage à la campagne, on passera devant la centrale au charbon et sa grosse cheminée, qui fournit l’électricité aux tramways bondés et aux minuscules voitures électriques. C'est également la grosse berline qui permettra d'aller en vacances vers le grande bleue, pendant que la petite voiture électrique citadine attendra sagement la fin des vacances. La véritable transition énergétique dans le transport des personnes en zone urbaine dense, ce n'est pas la voiture personnelle, électrique ou non ; c'est les transports en commun.

Toutefois, les transports en commun ne peuvent pas faire de miracles en zones périphériques ou rurales. Là, il est possible d'envisager des solutions telles que :

- Une petite voiture électrique pour les trajets quotidiens.

- Un véhicule thermique de location pour les occasions de voyage long en famille.

La voiture à hydrogène

 

La voiture à hydrogène ne pollue pas.

Mais il faut produire l'hydrogène...

… et produire l'hydrogène pollue.

 

La voiture à hydrogène a la même qualité que la voiture électrique : elle ne pollue pas l'air de la ville où elle circule. Mais elle n'a pas les inconvénients de la courte autonomie et du long temps de rechargement.

Mais il n'y a pas de mines d'hydrogène, il faut le produire. Actuellement, 95 % de l'hydrogène utilisé est obtenu à partir d'hydrocarbures avec émission de CO2.

Aujourd'hui, l'hydrogène est une énergie fossile.

Présenter aujourd'hui une utilisation massive d'hydrogène comme étant une solution verte, ou qui pourrait le devenir rapidement, c'est du greenwashing.

On peut également obtenir de l'hydrogène par électrolyse... et l'électrolyse, comme son nom l'indique, nécessite de l'électricité. Le rendement global de la chaîne énergétique pour assurer des transports à partir d'hydrogène vert est très faible (électrolyse, plus stockage de l'hydrogène, plus pile à combustible...). C'est-à-dire que pour produire assez d'hydrogène "vert", bas carbone, autant qu'il serait nécessaire pour les transports, il faudrait des centaines de milliers d'éoliennes en France (Voir sur ce site L'énergie demain : renouvelables, fossiles, nucléaire ?). On peut anticiper que cela soulèverait des oppositions.

L'effet rebond

La transition énergétique dans les transports c'est aussi améliorer le rendement des moteurs thermiques, afin qu’ils consomment moins.

On est sur la bonne voie, l’efficacité énergétique des moteurs croît au fil du temps. Les transports devraient donc consommer moins d'énergie.

… Et c'est le contraire qui se passe ! plus le rendement des moteurs s’améliore… plus les transports consomment d'énergie !

 

Le paradoxe s'explique simplement.

Une voiture récente consomme en effet beaucoup moins qu’une voiture d’il y a cinquante ans... à puissance égale ! Mais les voitures d'aujourd'hui sont bien plus puissantes que les voitures d'hier. Nos grands-pères avaient des rêves de petite 2CV Citroën, de Fiat 500, de 4CV Renault... et même ces rêves qui nous semblent aujourd'hui bien petits, peu d'entre eux avaient les moyens de les réaliser.

Nos rêves ont grandi, les voitures aussi. Nous rêvons maintenant de SUV de deux tonnes, 150 chevaux, avec climatisation [2] ; et de plus en plus de personnes aujourd'hui ont les moyens de réaliser leur rêve.

En outre, les rendements des moteurs s'étant améliorés, on peut ainsi se permettre de faire plus de kilomètres pour le même prix, ce qui annule le gain de l'amélioration des rendements. C'est "l'effet rebond".

L'effet rebond est bien connu – aussi bien des économistes que des analystes de la nature humaine (que les économistes gagneraient à mieux connaître) : lorsqu'un progrès technique permet de consommer davantage d'une ressource avec le même pouvoir d'achat... alors on consomme davantage de cette ressource. C'est de la science économique, et c'est dans la nature humaine.

Si rouler coûte moins, alors on roule plus.
Si se chauffer coûte moins, alors on se chauffe davantage.

Les écrans d’ordinateur et de télévision coûtent moins... alors nous sommes envahis d'une multitude d'écrans de plus en plus grands. Les avions de ligne sont plus économes... alors naissent des compagnies low cost, et il y a plus de voyageurs. Il est moins coûteux de téléphoner... alors le smartphone crépite en permanence.

On observe le même paradoxe en ce qui concerne l'isolation des logements : ils sont maintenant mieux isolés, mais pour autant la consommation globale d'énergie pour le chauffage ne diminue pas. Nous isolons l'appartement – pour consommer moins de chauffage disons-nous. Mais nous aimons la chaleur – comme les chats qui font la sieste sur le radiateur ; alors nous profitons de l'isolement pour gagner quelques degrés en plus à consommation égale. En Allemagne, où des centaines de milliards d'euros ont été investis dans la rénovation des bâtiments depuis 2010, la consommation moyenne des foyers n'a pas baissé depuis lors ! (En Allemagne, les rénovations énergétiques des bâtiments n’ont pas fait baisser la consommation - Le Monde - 2020 et Rénovation énergétique en France, des obstacles à tous les étages)

 

« L’effet rebond [...] constitue un obstacle majeur aux politiques de croissance dite de “croissance verte”. » (Comment limiter l’effet rebond des politiques d’efficacité énergétique dans le logement ?"Centre d’analyse stratégique (organisme de réflexion, d’expertise et de concertation placé auprès du Premier ministre) - 2013)

Une course à l'envers sur un tapis roulant.

L'efficacité énergétique des moteurs s’améliore...
... Mais les émissions mondiales de CO2 dans le secteur des transports croissent.

Les appartements sont mieux isolés... … Mais les émissions de CO2 dans le secteur de l’habitat croissent.

Lorsque l'efficacité énergétique augmente,
nous payons moins cher le même service.
C'est la planète qui paye la différence.

Ce qui ne veut pas dire qu'il faut renoncer à la recherche de nouvelles efficacités énergétiques. Mais qu'il faut apprendre à les canaliser – pas pour avoir encore plus, mais pour avoir autant, à moindres frais écologiques.

L'effet "pouvoir d'achat"

À l'effet rebond s'ajoutent les effets de l'augmentation de la population et des pouvoirs d'achat. Nous sommes plus nombreux, plus de familles peuvent avoir une voiture, ou même deux, pendant que des millions de camions transportent un flot toujours croissant de marchandises. Et la Chine qui roulait à bicyclette compte maintenant des millions d'automobilistes, tandis que d'autres millions de Chinois pédalent très fort pour avoir une automobile eux aussi.

De la même façon, il faut plus d'appartements pour loger une population plus nombreuse. Et de plus, l'augmentation de pouvoir d'achat permet de s'offrir plus de surface. Les appartements sont plus grands, et même s'ils sont mieux isolés, le tout nécessite autant d’énergie que les appartements moins nombreux, moins grands, moins isolés, d’il y a cinquante ans.

 

 

 

[1] Les chenilles des papillons mangent énormément, pouvant faire de gros dégâts dans les cultures. Le papillon, lui, est très frugal.

[2] La climatisation de la 2CV, c'était cette fenêtre rabattable que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, qui se rabattait inopinément sur les doigts ou les coudes.

 

 
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Mise à jour : 13 janvier 2023