Surpopulation et surconsommation épuisent les ressources
La terre manque, la forêt disparaît...
La nature avait inventé la mort.
Mais elle avait trop forcé la dose.
Alors elle a inventé le lapinisme, pour compenser la terrible mortalité qu'elle avait inventée.
Face au travail de gribouille de la nature, les hommes ont pris les choses en main.
Ils ont commencé par inventer la médecine pour limiter la mortalité.
Puis, le lapinisme étant devenu inutile, ils ont inventé la pilule.
En attendant que ces avancées soient partout appliquées sur la planète, il faut faire vivre l'énorme population mondiale née du lapinisme de la nature.
La bombe population
Autrefois il n'y avait sur terre que quelques rares tribus, survivant chichement de chasse et de cueillette, chacune dans son petit vallon.
Nous sommes huit milliards maintenant.
La population augmente en raison de cette vieille loi de la nature qui fait que lorsque la nourriture est abondante, la population augmente. Parce que la nature a inventé le désir sexuel, puissant ; parce que les adultes bien nourris sont plus gaillards ; parce que les enfants sont plus robustes ; parce que tous résistent mieux aux maladies. Et parce que toutes les populations suivent partout le même impératif de la nature : "croître et multiplier".
Autrefois le bon sauvage vivait naturellement, sobrement ; quelques baies cueillies dans la forêt, l'eau du ruisseau, une peau de bête, un feu de bois... Bref, il vivait naturellement (mal), mangeait naturellement (mal), mourait naturellement (mal) à quarante ans.
... Mais après avoir procréé naturellement, comme une bête.
C’est ainsi que le nombre des hommes a augmenté.
C'est ainsi que le drame a commencé.
Les enfants du bon sauvage ont voulu améliorer leur sort. Ils se sont laissé aller à la fâcheuse tendance à rechercher un peu plus de confort, un peu moins de précarité – que le premier à n'avoir jamais succombé jette la première pierre. Ils ont voulu manger – ils ont inventé l'agriculture... Ils ont voulu avoir chaud – ils ont inventé la maison, le village et la ville... Ils ont même voulu se laver, changer de vêtement, se divertir…

La population a augmenté ; il fallait la nourrir. Il n’est pas exclu que lorsque César séduisait Cléopâtre, il ne joignait pas l’agréable à l’utile. L'utile, l'indispensable, était de conquérir le blé d’Égypte pour nourrir Rome.

Déjà à cette époque il n'était pas possible de seulement "consommer local" pour nourrir une grande ville comme était Rome. Il fallait aller chercher le blé au loin, transporté par les gros cargos du moment, les naves onerariae.
C'est de plus en plus vrai. Le commerce local ne peut nourrir les immenses agglomérations d'aujourd'hui.
Et même avec ce commerce international, le dévouement – relatif – de César à la cause de Rome ne fut pas suffisant ; même avec le blé de Cléopâtre, Rome connut la disette à diverses reprises.
La terre était déjà surpeuplée.
Surpopulation – réalité ancienne, préoccupation moderne
Amazonie, massacre à la tronçonneuse
Les solutions plaisantes "à la César" pour obtenir du blé sont limitées ; il n'y a pas assez de riches héritières.
Il fallait trouver d'autres solutions. La Gaule par exemple n'était que bois et forêts autrefois ; et il ne faisait pas bon se promener dans les bois, parce que le loup y était, demandez au petit chaperon rouge. La Gaule était une mer d'arbres, avec quelques rares villages gaulois qui étaient comme petits îlots battus par le flot des arbres. Une mer d'arbres peuplée de sangliers, pour le plus grand plaisir d'Obélix qui ne craignait pas le loup – c'est le loup qui craignait Obélix.
Mais cette mer d'arbres ne nourrissait pas les Gaulois ; bien que quasi vide d'hommes la Gaule était déjà surpeuplée. Il fallait de nouvelles terres. Alors les Gaulois ont rasé la forêt d'Obélix, à la hache. Ils ont créé ainsi les paysages de la doulce France, avec des étendues de blé ondulant au vent du printemps, des plaines de carottes et petits pois. Des champs sans sanglier. Obélix en pleure encore, on entend sa complainte : "Auprès de mon arbre, je vivais heureux, où sont mes sangliers d’antan ?"
On n'a pas fini de pleurer. Parce qu'il faut nourrir huit milliards d'hommes maintenant, trouver encore de nouvelles terres, tailler encore dans la forêt. Pas en Gaule, c'est fait. Alors des yeux gourmands se tournent vers les derniers restes de forêt équatoriale ; on a commencé à exporter la déforestation vers l'Amazonie, le Congo, l’Indonésie... (Voir sur ce site Comment nourrir le monde ? – sans déforestation)
La terre est surpeuplée... depuis des millénaires !
La surpopulation nous semble un phénomène récent. L'exemple de la Gaule montre que la surpopulation n'est pas une nouveauté ; depuis des millénaires les hommes ont eu besoin de défricher. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace à défricher.
Tout au long de l'histoire des voix se sont inquiétées de l'accroissement des populations et du manque d'espace. Vers l’an 200 – déjà ! – Tertullien de Carthage s'alarmait :
« Assurément il suffit de jeter les yeux sur l'univers pour reconnaître qu'il devient de jour en jour plus riche et plus peuplé qu'autrefois. Tout est frayé ; tout est connu ; tout s'ouvre au commerce. De riantes métairies ont effacé les déserts les plus fameux ; les champs ont dompté les forêts ; les troupeaux ont mis en fuite les animaux sauvages ; les sables sont ensemencés ; l'arbre croît sur les pierres ; les marais sont desséchés ; il s'élève plus de villes aujourd'hui qu'autrefois de masures.
Comme témoignage décisif de l'accroissement du genre humain, nous sommes un fardeau pour le monde ; à peine si les éléments nous suffisent ; [...] la nature va nous manquer. » (De l’âme – XXX)
La surpopulation fut même, en 1095, l’un des prétextes évoqués par le pape Urbain II pour lancer les francs sur les chemins des croisades :
« Qu'aucun de vos biens ne vous retienne en arrière, ni le souci de vos affaires de famille ! Car le pays que vous habitez, fermé de tous côtés par la mer et de hautes montagnes, est maintenant trop étroit pour votre nombreuse population : il fournit à peine de quoi nourrir vos cultivateurs. De là vient que vous vous tuez et dévorez les uns les autres. »
Tout au long de l'histoire, l'équilibre entre les besoins de la population du moment et ce que les techniques du moment pouvaient produire fut rarement atteint, toujours instable. Avant les révolutions techniques et médicales le déséquilibre revenait cycliquement, mécaniquement, inexorable ; la population était régulée par la famine :
Une population bien nourrie "croît et multiplie".
Mais une population qui croît et multiplie consomme plus de ressources.
Les ressources deviennent insuffisantes.
La disette vient.
La population diminue.
Les ressources redeviennent disponibles.
La population recommence à croître. Le cycle recommence.
Les nouvelles techniques font partie de la solution
Au XIXe siècle on nourrissait – mal – un milliard d’hommes. Malthus en avait conclu que l'Angleterre était surpeuplée, et il prêchait l'abstinence (il était pasteur anglican...), pour que les hommes ne se multiplient pas "comme des souris dans une grange".
Les hommes ne se sont pas abstenus ;
ils se sont multipliés.
Heureusement, de nouvelles techniques ont permis de produire plus de grains pour remplir la grange aux souris.
De nouvelles techniques ont donné tort aux alarmes de Malthus.
Mais, si la production a changé, la consommation aussi. Un seul agriculteur sur son tracteur produit aujourd'hui plus qu’une bonne douzaine de paysans avec leurs binettes et leurs sarclettes ; mais un seul bobo des villes en 4X4 consomme plus qu’une bonne douzaine de frères franciscains en sandales. Le problème est qu'il y a de plus en plus de 4X4 et de moins en moins de frères franciscains.
C'est pourquoi nous sommes obligés de rechercher encore de nouvelles techniques. Il en existe même déjà, déjà prêtes à l'emploi. Le génie génétique et les OGM par exemple.
Encore faut-il les accepter.
Au temps de Malthus les nouvelles techniques étaient bienvenues. L'Occident vivait une belle histoire d’amour ; les hommes aimaient la science et les techniques, qui les payaient de retour en leur offrant de fantastiques inventions : la force des moteurs, l'électricité, les chemins de fer, etc.
Mais les histoires d'amour finissent mal, parfois. Aujourd'hui une partie des populations refuse les nouvelles techniques. La science est toujours aussi inventive – elle a inventé les antibiotiques, la révolution verte, les OGM, etc. – mais la vieille Europe et la technique sont en instance de divorce, le poison de la méfiance s'est glissé dans le couple. Maintenant la science et la technique font peur, accusées d'être responsables de tous les problèmes de la planète. Comme en tant de divorces, on a oublié les qualités et les charmes qui nous avaient fait craquer au début.
L'empire du sexe
Nous ne sommes pas de bois… nous serons bientôt neuf milliards…
« Tout ça parc' qu'au bois de Chaville y'avait du muguet »...
La nature avait inventé le désir sexuel, puissant, pour qu'un lapinisme forcené compense les ravages des famines, des épidémies, de la mort infantile. Mais elle avait oublié de réguler ce mécanisme : le désir reste toujours aussi puissant aujourd'hui alors qu'il n'est plus nécessaire puisque les enfants ne meurent plus, puisque les épidémies sont maîtrisées, la nourriture assurée.
Il fallait inventer une solution.
Les chercheurs ont trouvé, ils ont inventé la contraception – ça marche.
Le pasteur Malthus, lui, prêchait la continence – ça n'a pas marché.
La continence ! ! "Timeo Continentiam" "Je crains la continence" disait le pape Pie II – « qui aimait bien boire et bien manger et dire aux jolies filles qu'elles étaient jolies ».
On peut se moquer de l'ingénuité du pasteur Malthus qui manifestement ne connaissait ni les hommes, ni la nature. Il ne savait pas que la nature est une obsédée du sexe, elle ne pense qu'à ça ; elle a déployé des trésors d'imagination pour que le monde soit un lupanar universel. L'obsession de la nature est la survie des espèces et le moyen pour y parvenir c'est le sexe.
Le gazouillis charmant des oiseaux, du sexe.
Le brame du cerf, du sexe.
Une romance napolitaine, du sexe...
On peut tirer leçon de l’échec de Malthus ; il montre que les prêches sont moins efficaces que des solutions techniques telles que la contraception (Voir sur ce site La sobriété n'est pas naturelle - Les bonnes intentions ne suffisent pas).
La population demain – la fracture planétaire

Autrefois les enfants étaient l'assurance-vieillesse des parents. On a maintenant inventé des mécanismes nouveaux, vertueux. Des avancées sociales, retraite, sécurité sociale, alphabétisation des femmes ; des avancées scientifiques, la pilule ; par des avancées sociétales, l'acceptation de la pilule, ce qui demande du temps, il faut vaincre de vieux préjugés religieux et culturels.
Les hommes – et les femmes aussi – ne sont plus obligés de procréer une ribambelle d'enfants, leur vieillesse est assurée.
Ils ont encore des enfants, mais par choix.
Ces mécanismes nouveaux produisent déjà leurs effets dans les pays développés, où la population ne croît plus alors même que la nourriture est maintenant abondante. Mais ils ne fonctionnent pas encore pleinement dans d'autres parties du monde ; de plus, ils ont des inerties qui se comptent en générations ; c'est pourquoi, globalement, la population mondiale croît encore. Mais tout est en place pour qu'elle décroisse bientôt.
On avait craint le pire, on avait craint la "bombe P", "P" comme Population (Paul Ehrlich). Mais la bombe n’explosera pas, elle a été désamorcée
Toutefois, il convient de rester prudent.
La population mondiale va finir par décroître. La consommation de ressources pourrait alors diminuer ; mais seulement si les individus de cette population réduite ne consomment pas à outrance. Ce n'est pas gagné d'avance ; une population réduite est encore capable de consommer et gaspiller quantité de gadgets inutiles... et capable de les produire, les machines peuvent le faire avec peu de personnel.
Jusqu'à épuisement de la terre.
En attendant la décroissance de la population, des voix s'inquiètent ; nous réussissons à peine à nourrir la planète aujourd’hui, même avec force engrais et pesticides, comment ferons-nous pour nourrir deux milliards d’hommes en plus ?
Il y aura donc, disent ces voix, pénuries, disettes, donc guerres, et il n’y aura jamais neuf milliards d’hommes sur la terre – vivants.
« Laissez faire Vénus, elle vous amènera Mars » prédisait Bergson.
Ce qui nous vaut quelques bons conseils pratiques : « Si on aime les enfants, il ne faut pas en faire. » ; « Faire des enfants tue » (Michel Tarrier et Daisy Tarrier). En réalité même si ces "conseils" étaient suivis, le cours des choses ne changerait pas beaucoup. Parce qu'une bonne part des consommateurs de 2050… est déjà née ; et les enfants d'aujourd'hui seront les futurs parents de futurs enfants, lorsqu'ils seront devenus opérationnels : les futures naissances sont déjà "dans le tube". C'est pourquoi la population mondiale croîtra encore inéluctablement pendant quelque temps. Elle finira par décroître, mais en attendant, il faut faire vivre une population qui croît, et qui croît selon des rythmes différents de part et d'autre de la fracture planétaire. Ces différences créent des anticyclones démographiques pendant que des dépressions se creusent ; naturellement des vents de migration se lèvent entre ces différentes zones démographiques.
C'est le cas entre l'Europe et l'Afrique.

Déjà aujourd'hui tant d'Africains lorgnent l'Europe promise et tentent de la rejoindre, à leurs risques et périls.
Dépopulation et vieillissement
La natalité devrait baisser... ce qui soulève de nouveaux problèmes. Parce qu'une baisse de natalité entraîne mécaniquement, qu'une génération plus tard la population active sera réduite, et devra prendre soin d'une population de grands-parents âgés qui, elle, n'aura pas encore diminué.
L'Europe est entrée dans cet hiver démographique ; elle manque de bras, elle doit faire appel à des travailleurs étrangers – pour faire tourner les usines autant que pour soigner ses anciens (étude du Center for Global Development – 2021).
La Chine, qui avait appliqué la politique de l'enfant unique, est maintenant particulièrement préoccupée par le vieillissement de sa population.
L'épuisement des ressources - Les consommateurs sont les commanditaires
La combinaison du nombre des Terriens et de leur pouvoir d'achat constitue un mélange détonnant – et la mèche est allumée. Les ressources s'épuisent, l'eau et la terre se font rares, les océans se vident de poissons, la forêt disparaît...
Au début était le temps de l'homme rare.
Arrive le temps de la terre rare.
La pression sur les ressources de la terre est approximativement illustrée par le "jour de dépassement", le jour de l'année où l'humanité commence à vivre à crédit parce que depuis le début de l'année elle a déjà consommé toutes les ressources renouvelables que la terre produit en une année.
Personne évidemment ne se sent personnellement responsable ; les boucs émissaires sont faits pour ça. Les boucs aujourd'hui ce sont les "grosses entreprises multinationales". Il est rassurant de pouvoir se dire "il n’y a pas vraiment de problème, il y a seulement quelques salauds qui créent des problèmes" ; il suffit d'éliminer les salauds, il n'y aura plus de problème. C'est l'illusion qui était derrière le fameux slogan qui visait les entreprises polluantes : "les pollueurs seront les payeurs".
Huit milliards de consommateurs... huit milliards de problèmes
En réalité il y a huit milliards de pollueurs sur la terre : chacun de nous est un pollueur ; nous ne sommes pas des salauds pour autant ; pas tous. Il y a quelques salauds sans doute, mais il y a surtout huit milliards de consommateurs ; huit milliards de nos demandes, nos appétits, nos désirs, nos envies. Des activistes dénoncent des multinationales (action en justice contre Total, par exemple). Ils se trompent de cible ; c'est pour satisfaire nos demandes que les multinationales s'affairent, que les cargos traversent les océans. Les multinationales pompent le pétrole parce que nos voitures ont soif de pétrole [1]. Une compagnie pétrolière serait-elle coupable en nous fournissant notre dose de pétrole ?
Les multinationales sont les exécutants ;
les commanditaires sont les consommateurs.
Les pollueurs sont les consommateurs, ces accros.
[1] Accuser les producteurs des produits que nous consommons n'est pas une nouveauté. Le poète Ronsard dénonçait lui aussi les bûcherons, producteurs de bois :
« Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras... » (Élégie Contre les bûcherons de la forêt de Gastine)
... Mais la bise venue, Ronsard, qui n’était pas de bois, se chauffait… au bois !
Pas de bûcheron, pas de bois, pas de feu dans la cheminée de Ronsard.
…Pas de société pétrolière, pas de carburant à la pompe.
Mais ne demandons pas aux poètes d’être plus cohérents que le commun des activistes.
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