Peut-on échapper au réchauffement climatique ?
Une génération plus tôt, quelques voix alertaient : "nous ne faisons pas assez pour le climat, nos enfants nous accuseront".
Ça y est, le moment est arrivé, les enfants sont devenus grands, et maintenant ils accusent, ils "marchent pour le climat".
Comment en sommes-nous arrivés là ?
1] Ce que nous faisons depuis des décennies
Les émissions mondiales de CO2 croissent :

Sources : The Global Carbon Project
2] Ce que nous devrions faire...
... et ce que probablement nous ferons...

De WEO 2016 Presentation
• "2°C scenario" : ce qu'il faudrait qu'il se passe pour limiter le réchauffement climatique à 2°C.
• "Central scenario" : ce qui se passera si nous nous contentons d'améliorer nos processus, mais sans transformation sévère de nos modes de vie.
Dans ce cas la réalité de demain sera probablement plus ou moins un prolongement de la réalité passée : les émissions de CO2 continueront à augmenter. Le diagramme suivant montre d'où viendront ces émissions :

D'après International Energy Outlook 2016
(OCDE = "Organisation de Coopération et de Développement Économique", qui regroupe la plupart des pays développés.)
3] La fracture planétaire
Le diagramme précédent rappelle une réalité redoutable : en supposant même que tous les pays développés ne vivent plus que de vent de soleil et d'eau fraîche... cela ne suffirait pas pour compenser les énormes besoins de développement des énormes pays pauvres et émergents. Les émissions de ces seuls pays suffisent pour créer un réchauffement climatique supérieur à 2°C (voir La fracture planétaire - L'essor des pays émergents).
Les pays développés ont été les principaux responsables du réchauffement climatique.
Mais le CO2 de demain viendra surtout, de plus en plus, de la multitude de ceux qui ont encore peu ;
ceux qui n'ont pas encore de télévision, ni même l'électricité.
Parce que tôt ou tard ils auront l’une et l’autre.
Et plus encore.
4] Que peut faire le peuple - que peuvent faire les États ?
Le réchauffement climatique a été élevé au rang de "l'affaire du siècle". Tout le monde sait maintenant qu'il faut réduire les émissions de CO2, et pour cela réduire la consommation.
Pourtant tout le monde continue imperturbablement à demander des augmentations au patron, à râler quand on ne les obtient pas, à les dépenser quand on les obtient, à continuer à voter pour les candidats aux élections les "mieux-disants", ceux qui promettent la croissance la plus forte. Il n'est pas question de perdre la moindre part de notre train de vie !
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Bien sûr le réchauffement climatique nous inquiète. On entend des avertissements alarmants. La sagesse et la raison conseillent d'agir dès maintenant pour éviter des problèmes demain. Mais pour l'instant le réchauffement climatique se traduit surtout par des anomalies statistiques, plus surprenantes qu'inquiétantes ; une canicule prolongée, davantage de cyclones tropicaux... Ce n'est pas suffisant pour que l'on écoute la raison qui conseille de changer de mode de vie. C'est la sensation qui fait agir ; on ne réagit pas quand l'orage est annoncé ; seulement quand nous le subissons déjà.
Trop tard.
Que pouvons-nous faire individuellement ?
Que peuvent faire les États ?
"L'État c'est moi" aurait dit Louis XIV.
Aujourd'hui, l'État c'est nous.
Et donc l'action des États est contrainte, soumise à son acceptation par les électeurs.
Il faudrait limiter la hausse des températures à 2°C d'ici 2100...
Les électeurs n'y sont pas opposés…
Ils sont seulement opposés à en subir une réduction de leur train de vie.
Et puis, rien ne presse, 2100 c'est loin. Où serai-je alors ?
(C'est pourquoi on s'interrogent sur l'éventualité de pondérer les votes en fonction de l'âge.)
"Pourquoi faire aujourd’hui des efforts que l’on peut remettre à demain ?"
On reproche aux États de prendre des mesures court-termistes, pour demain, pour la fin du mois, sans penser à la fin du monde, ni même à la fin du siècle, à 2100... c'est vrai mais ils ne font que respecter le temps des électeurs. Le temps des électeurs c'est celui de l'usure des chaussures, des vêtements des enfants devenus trop petits, de la voiture à réparer, etc. Quand les États ont l'imprudence de penser à plus long terme ils voient se lever des gilets jaunes ou des bonnets rouges, et il reste tant d'autres teintes prêtes à l'emploi pour colorer d'autres contestations.
"Je suis leur chef, je dois les suivre"...
Ça s'appelle la démocratie.
« Le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres. » (W. Churchill)
Les électeurs sont pleins de bonnes intentions... Ils manifestent, ils "marchent pour le climat".
Ils sont même disposés à faire eux-mêmes quelque chose – toutefois pas au-delà de quelques "petits gestes pour sauver la planète".
Ils sont disposés à ce que l'on fasse quelque chose... mais quelque chose qui soit incolore, inodore, indolore, qui n'attente en rien à leur pouvoir d'achat, à leur pouvoir de shopping.
Manif pour le climat vendredi.
Shopping samedi.
Allons enfants, marchons, il y a encore beaucoup de chemin à faire.
Le problème est qu'on n'a pas encore inventé de solutions qui soient efficaces et indolores.
Mais avant d'inventer de nouvelles mesures il faudrait comprendre les raisons et les contraintes qui font que des mesures efficaces n'ont pas déjà été prises. S'il existait des mesures raisonnablement faisables et acceptables par les citoyens, elles auraient été déjà prises ; pourquoi aucun gouvernement n'a pu ou n'a osé en prendre ?
La première raison est que tout le monde est prêt à faire quelques gestes... mais seulement des petits gestes. Or, pour renoncer aux énergies fossiles il faut être prêt à bien davantage, il faut être prêt à renoncer à une partie de notre notre abondance.
Nous ne sommes pas (encore ?) prêts à ce renoncement. D'autant que pour l'instant le réchauffement climatique n'est pas (encore ?) une gêne pour la plupart d'entre nous. Nous savons qu'il y a un problème, mais nous ne le ressentons pas ; cela ne suffit pas pour nous faire réagir.
Pris au piège
La seconde raison tient à l'enchevêtrement des dépendances et des contraintes dans lesquelles nous sommes tous englués. On a déjà vu comme l'économie mondiale est un réseau inextricable de dépendances. Et le banlieusard qui subit des embouteillages tous les matins pour aller travailler dans les bureaux du centre est pris dans le piège du crédit de son pavillon à rembourser, de ses horaires de travail, etc. ; il répète le cycle auto boulot dodo, comme le hamster dans sa roue. Pris dans le flot, le banlieusard n'a plus les moyens de s'épargner sa voiture, ses trajets au petit matin, ses encombrements. Il peut au mieux réduire sa pollution en utilisant une voiture plus petite (... mais quand même, pas plus petite que celle du beau-frère ou du voisin). Et ce n'est pas la voiture électrique individuelle qui permettra de s'évader du piège de la voiture individuelle et de son cortège de nuisances.
Mais l'État non plus ne peut le sortir du piège ! Même l'État le plus volontaire ne saurait effacer des siècles d'étalement urbain. Il peut tout au plus renforcer tout de suite les transports en commun, et à plus long terme orienter le développement urbain vers des villes verticales.
Les individus peuvent peu. Les États ne peuvent pas davantage. Ils peuvent interdire les couverts en plastique, les ampoules à filament, etc. Mais ils ne peuvent prendre que de petites mesures, acceptables par les citoyens, marginales.
Un État particulièrement téméraire pourrait tenter une réglementation vertueuse forte, mais se trouverait moins bien armé pour affronter la compétition face au reste du monde.
La meilleure chose que puissent faire les gouvernements c'est de s'informer.
Le gouvernement allemand aurait dû s'informer avant de fermer ses centrales nucléaires pour les remplacer par du gaz russe (Voir La transition énergétique).
Le gouvernement français aurait dû s'informer avant d'envisager de réduire la part du nucléaire.
Il fallait s'informer au-delà des discours et des pressions des lobbys dogmatiques, lesquels ne tiennent pas compte des résultats des chercheurs. Les chercheurs montrent, d'une part que le nucléaire est moins dangereux que le photovoltaïque, et d'autre part que contre le réchauffement climatique il faut utiliser toutes nos cartouches, énergies renouvelables mais elles ne suffisent pas, et aussi énergie nucléaire.
Le gouvernement français devrait s'informer sur la quantité d'électricité obtenue avec les subventions colossales aux énergies renouvelables (Voir Nos très chères énergies renouvelables...).
S'étant informés les gouvernements pourront alors informer courageusement les électeurs – même au risque de déplaire.
Il faut avoir le courage de redire que la consommation actuelle dépasse déjà les capacités de renouvellement des ressources de la planète. Il n'est donc pas sérieux d'en rajouter une couche en recherchant encore plus de croissance pour les pays développés. (voir sur ce site La croissance durable… une grenouille plus grosse que la planète).
Le problème est que pour un gouvernement, annoncer qu'il faut réduire le train de vie, réduire le pouvoir d'achat... c'est électoralement suicidaire. Parce que, que réclame le peuple ? Il réclame, il implore la croissance, comme des sorciers implorant la pluie. La priorité No 1 des électeurs, c'est leur pouvoir d'achat aujourd'hui, maintenant, tout de suite, pas le réchauffement climatique demain.
Il faut avoir le courage de dire que la solution ne viendra pas seulement d'en haut, d'un État deus ex machina ; elle est aussi entre les mains des consommateurs. En soulignant que les "petits gestes pour sauver la planète" ne suffiront pas.
"Ne demandez pas ce que vos gouvernements peuvent faire pour la planète. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour la planète." [1]
5] Où allons-nous ?
La presse rapporte d'innombrables succès contre le changement climatique – des économies d'énergie ici, une initiative locale innovante là, tri des déchets, éoliennes dans le vent, efficacité énergétique des moteurs, etc.
Il est vrai que quantité de détails peuvent être corrigés ou améliorés. Mais des détails, insignifiants face à la difficulté fondamentale : nous sommes huit milliards de Terriens, tous avides de consommer jusqu'au dernier centime de notre pouvoir d'achat – qui augmente.
Un pouvoir d'achat qui augmente, qui sera dépensé jusqu'au dernier euro. (Voir Économiser, partager, consommer autrement... Les économies n'existent pas !)
« Un euro dépensé en consommation finale en France en 2007 a généré en moyenne 465 g d’équivalent CO2 » (ALLEGER L’EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE DE LA CONSOMMATION DES FRANÇAIS EN 2030 - ADEME 2015) (Voir L'énergie est vitale - il y a de l'énergie clandestine partout !).
C'est pourquoi la même presse rapporte aussi, sur la même page... que tout va de pire en pire ! Elle rapporte les effets dévastateurs d'un dérèglement climatique global déjà engagé : sécheresses, canicules, inondations, incendies et ouragans.
La réalité est que, en dépit de quelques réussites trompeuses, la situation se dégrade globalement d'année en année.
1992 - L'année du "sommet de la terre" à Rio.
On promettait de « préserver le système climatique pour les générations présentes et futures ».
2008 - II restait encore un peu d'espoir, mais au conditionnel : « les pouvoirs publics pourraient... » :
« Les ménages, les entreprises et les automobilistes devront changer leur mode de consommation de l’énergie. […]
Une action résolue des pouvoirs publics pourrait permettre de mener à bien cette révolution. » (WEO 2008)
Depuis, les rapports sur le climat se succèdent, le conditionnel a disparu, le réchauffement climatique est maintenant au présent de l'indicatif.
2011 :
« Des mesures vont dans la bonne direction, mais les chances d’atteindre l’objectif de 2°C s’amenuisent à vue d’oeil. » (WEO 2011)
2012 :
« Les éditions successives de ce rapport [WEO] ont montré qu'à mesure que les années passent, l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 2°C devient de plus en plus onéreux et difficile à atteindre. » (WEO 2012)
2016, après la fameuse COP21 de 2015 qui a pourtant été vendue comme étant un succès pour le climat :
"Les engagements actuels ne permettent pas de limiter l'augmentation de température à moins de 2°C" (WEO 2016 Presentation)
En dix ans toute la gamme des possibles a été descendue : "On fera"... "Il serait possible"... "Les possibilités diminuent"... "C'est de plus en plus difficile"... "Ce n'est plus possible".
Les émissions de CO2 augmentent.
On s'inquiète, on organise des COP.
On y palabre. Mais sans aborder les sujets qui fâchent : les efforts nécessaires... c'est-à-dire des efforts qui en fin de compte seront portés sur les épaules des citoyens. Lorsque l’État agit, dépense, investit, c'est en fin de compte le citoyen qui agit, dépense, investit, par son travail et ses contributions. Lorsque la jeune écologiste Greta Thunberg porte plainte contre plusieurs pays pour "inaction climatique", elle n'a peut-être pas conscience que si l'état est inactif c'est parce que les électeurs n'ont pas une envie folle d'être actifs, de perdre leur confort et leur train de vie pour une cause encore lointaine.
Voyez tous ces SUV dans les rues.
Interdire les SUV ? Ce ne serait même pas efficace : le pouvoir d'achat correspondant serait reporté sur d'autres gadgets... (Voir Économiser, partager, consommer autrement... Les économies n'existent pas !)
... Les émissions de CO2 continuent à augmenter.
Il y aura donc réchauffement climatique. "Chaud devant !"
[1] « Et donc vous, mes compatriotes américains, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » ( J. F. Kennedy - 1961)
liens externes pour ce sujet
Que dit vraiment le récent rapport du GIEC 2018 sur le changement climatique ?
Ce qu’il faut retenir du rapport du GIEC sur la hausse globale des températures
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