Énergie, climat, alimentation. Adaptation des espèces.

 

 


Réchauffement climatique et consommation

 

Nous consommons trop, les ressources s'épuisent...

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Parce que la sélection naturelle n'a pas retenu les comportements de sobriété.
Elle a surtout retenu l'avidité, la compétition pour conquérir le meilleur morceau.

Ce sont ces comportements qui créent l'épuisement des ressources et le réchauffement climatique.

 

La part raisonnable en nous conseille de consommer avec modération. Mais la part non raisonnable, celle des sensations, du plaisir – nous susurre de cueillir le jour et croquer la pomme, sans attendre. Nous sommes écartelés entre ces deux conseillers intimes qui se querellent au fond de nous.

Nous sommes capables de "marcher pour le climat" le matin en réclamant une réduction des émissions de CO2 ;

... et de manifester l'après-midi pour réclamer plus de pouvoir d'achat... qui augmentera les émissions de CO2 !

La sobriété n'est pas naturelle

Il faudrait consommer autrement, moins, être plus sobres (dans le club restreint des pays développés).

… Mais les hommes n'ont jamais été sobres – sauf les pauvres évidemment. Partout et toujours ils ont consommé sans retenue, nourriture, sexe, faste – quand ils en avaient les moyens. On a vu la débauche de luxe dans les tombes des pharaons, dans les palais et les orgies de la Rome antique, chez les satrapes de Perse, chez les papes de la Renaissance, chez les maharadjas en Inde, dans les cours royales et princières, dans le faste de la cour de l'Empereur de Chine, qui éblouit tant Marco Polo [4]. Même l’âge de la pierre avait déjà son luxe, les objets précieux dans les tombes "princières" en témoignent. Les riches étaient très riches à ces époques, on n'avait pas encore eu l'idée de couper la tête de ceux qui exagéraient. Au contraire, même dans la tombe ils exagéraient encore.

Ce petit survol permet de prendre conscience que la tendance à surconsommer est universelle. On la retrouve partout, dans toutes les civilisations, on la retrouve tout le temps, depuis l'âge de pierre. Il ne suffira pas de bonnes paroles, de gentils sermons, pour que les hommes cessent de rêver du nouveau modèle de voiture encore plus "suréquipé".

Les marchands de SUV ont encore de beaux jours devant eux.

Nous sommes les frères – et les soeurs – de ces princes, princesses, et maharajas, nous avons les mêmes chromosomes qu'eux, les mêmes envies de luxe et de superflu [5] qu'eux. Un maharadja en puissance sommeille dans nos chromosomes.

Et ce maharadja en nous traite les sobres de radins, il se moque d'eux ; voyez Harpagon, champion du monde de la spécialité, des siècles après on rigole encore de sa sobriété, qu'on appelle avarice.

Heureusement pour l'environnement, nous n'avons pas un compte en banque de maharadja.

On critique la société de consommation "moderne" ; on accuse "le système", le lobbying des "grandes multinationales", la publicité... mais non, l'envie de posséder et consommer n'est pas moderne, elle a toujours existé, même sans publicité, elle est vieille comme l'humanité. Le maharadja n'avait pas besoin de publicité pour consommer, il avait seulement plus de moyens que nous. Le chasseur-cueilleur n'avait pas besoin de publicité pour rêver d'avoir le plus beau galet taillé de toute la tribu.

Au XVIe siècle Machiavel pouvait écrire « La nature nous a créés avec la faculté de tout désirer et l'impuissance de tout obtenir ».

Aujourd'hui nous avons encore la faculté de tout désirer, mais nous avons maintenant la puissance de presque tout produire et obtenir.

C'est ainsi que le drame a commencé : nous avons maintenant la puissance d'épuiser les ressources de la terre.

Ce qui est moderne c'est que nous sommes des milliards maintenant, avec des milliards de petits comptes en banque. Des petits comptes en banque, mais des milliards de petits comptes en banque ! Qui permettent de satisfaire des milliards de petites envies, ce qui consomme plus de ressources que le luxe extravagant de quelques rares maharadjas autrefois.

Tout au long de l'histoire des "lois somptuaires" ont tenté de canaliser les débauches de consommation. En 215 avant J.C. la loi Oppia restreignait à Rome la parure et le luxe des femmes et… l’usage des "deux chevaux" ; la loi défendait "d'aller en voiture traînée de deux chevaux, à Rome et dans les environs, à la distance de deux mille pas". Sans succès.

Aujourd'hui on propose de limiter l’usage, non des "deux chevaux", mais des 4X4. Sans succès.

Les anciens philosophes avaient déjà noté cette "faculté de tout désirer" et avaient compris combien il est illusoire de tenter de satisfaire tous les désirs. Ils avaient bien vu le piège, vu que dès qu'un désir est satisfait tout est à refaire, car de nouveaux désirs naissent, qui exigent d'être satisfaits à leur tour. Sans fin.

Ce que nous n'avons pas est bien plus désirable que tout ce que nous avons déjà.

« Tant que demeure éloigné l'objet de nos désirs, il nous semble supérieur à tout le reste ; est-il à nous que nous désirons autre chose. » (Lucrèce)

Épicure avait compris que la réalisation des désirs n'apporte que des satisfactions éphémères. Il conseillait non pas de chercher à satisfaire vainement des désirs innombrables, mais de les snobber, de les oublier ; de ne considérer que les désirs qui sont "naturels et nécessaires".

On raconte que Diogène, celui du tonneau, voyant un enfant boire de l'eau dans le creux de sa main, réalisa que l'écuelle qu'il utilisait jusqu'alors pour cet usage n'était pas nécessaire ; et la jeta.
Le plus étonnant – pour nous – est qu'il en fut durablement satisfait.

Le comportement le plus courant pour nous est d'avoir une écuelle, puis, si le pouvoir d'achat le permet, une écuelle élégante avec quelques décorations, puis un verre, puis un verre en cristal, etc. Sans satisfaction durable, sans fin car il existera toujours quelque part un verre encore plus beau à désirer.

Toutes les religions aussi, d'hier et d'aujourd'hui, ont perçu cette propension à consommer sans retenue, sans nécessité. Elles ont sermonné les hommes pour qu'ils résistent à l'attrait de la consommation et du luxe, pour qu'ils changent de comportements, elles ont même inventé de multiples artifices pour nous mettre sur la bonne voie : carêmes, ramadans, jours maigres, jeûnes, moines mendiants, ermites, fakirs, yogis...

Sans succès. Les régimes alimentaires au printemps pour se préparer à affronter les regards sur la plage en maillot de bain sont plus efficaces que les carêmes pour résister à la bonne chère.

Les religions ont inventé les moines ermites du désert, parfaits exemples de sobriété, des bienheureux qui vivent du vent du sable et de la rosée du matin. Ils sont rares aujourd'hui, c'est une espèce en voie de disparition, on n’en rencontre presque plus dans le désert.

Des ermites de ville ont pris la relève ; il s'agit de quelques convaincus cohérents qui passent réellement de l'idée de sobriété à l'acte. Ils tentent eux aussi de vivre comme des moines. Mais leur vocation ne va pas jusqu'à l’ascèse surhumaine de saint François, leur saint patron [6], qui avait épousé « Madame la pauvreté » et vécut de rien ; il en mourut.

Ces nouveaux ermites eux aussi sont une espèce rare.

Les sages aussi nous ont donné leurs conseils. Diogène en son tonneau, ou Lao-Tseu, vers 600 av. J.C. qui disait déjà : « Celui qui sait se contenter de peu est toujours satisfait. ». Lucrèce confirmait : « Vivons contents de peu car de ce peu jamais il n'y a disette. »

Et dans la forêt de Mowgli, Baloo chantait :

Il en faut peu pour être heureux

Vraiment très peu pour être heureux

Il faut se satisfaire du nécessaire

Un peu d'eau fraîche et de verdure

Que nous prodigue la nature

Quelques rayons de miel et de soleil.

 

L'ADN de la savane bouge encore

Les sages, les saints, les militants, et Baloo, prêchent les vertus de la sobriété.

Mais les conseils des sages s'adressent aux sages.

Les gens "normaux" ne sont pas prêts à cocufier saint François en le trompant avec « Madame la pauvreté », son épouse spirituelle.

Pour les gens normaux, la sobriété de l'ermite n'est pas naturelle.
... Ils ont raison ! Ce n'est pas naturel.

Les chercheurs ont découvert que la sobriété est contre nature. Ce qui est naturel, ce sont les mécanismes de récompense retenus par l'évolution. Ces mécanismes produisent de la dopamine, l'hormone du plaisir immédiat, qui nous récompense lorsque nous parvenons à obtenir ce qui nous permet de survivre et de nous imposer – nourriture, confort, chaleur, sexe, puissance...

Bien sûr, la faim faisait sortir des bois pour aller chasser et manger. Mais la faim seule pouvait ne pas être suffisante ; en des temps de pénurie il valait mieux ne pas attendre d'avoir faim pour commencer à chasser, il risquait d'être trop tard. La nature a ajouté le plaisir de manger à la faim. Même lorsque la faim est calmée, le plaisir de manger existe encore. C'est la recherche du plaisir qui poussait à repartir en chasse avant même d'avoir faim.

Ces mécanismes existaient déjà chez les poissons ; ils ont été efficace, l'évolution les a retenus, ils ont été transmis aux dinosaures, aux mammifères, à nous.

Ces mécanismes étaient adaptés à la survie dans des conditions de pénurie. Mais ce très vieux programme "bugue" aujourd'hui, il est inadapté à une condition nouvelle imprévue : l'abondance. Même en condition d'abondance, même quand il n'y a plus de besoin à satisfaire, on repart quand même à la chasse, à la chasse d'une nouvelle dose de dopamine, d'une nouvelle dose de plaisir ; un plaisir qui disparaît lorsque la dopamine disparaît, entrainant la recherche d'une nouvelle dose. C'est pourquoi même les maharadja hier, même les plus aisés aujourd'hui, sont quand même insatisfaits eux aussi ; ils ont tout, mais recherchent encore une nouvelle dose. Il en résulte obésité, addiction, pillage des ressources.

La modération est contraire à notre nature ; ce qui est naturel, c'est la recherche frénétique de notre dose de dopamine.
C'est pourquoi les conseils de modération des saints et des sages sont si peu suivis.

C'est pourquoi tous les gouvernements du monde courent après la croissance, pour nous fournir notre dose.

Même les philosophes et les poètes, face aux incertitudes de l'avenir – et à la triste certitude de la vieillesse et de la mort – conseillent de consommer sans attendre : « Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. »

La société de consommation a encore de beaux jours devant elle.

Peut-on se désintoxiquer ? La cure sera difficile, parce que cette addiction à la consommation est l'expression moderne de l'adaptation qui poussait nos ancêtres prédateurs – bêtes et hommes – à se gaver de leurs proies, sans retenue, aussitôt chassées. Parce que l'avenir était incertain et un "tiens" vaut mieux que deux "tu l'auras". Il fallait se constituer des réserves de graisse pour survivre aux périodes de pénurie, banales à cette époque, quand la nourriture n'était jamais assurée, quand vivre était d'abord survivre. Il fallait résister aux jours sans gibier, aux mois d'hiver.

L'hiver était un auxiliaire particulièrement efficace de la sélection naturelle, c'était le "crash test" dont ne survivaient que les plus forts, ceux qui s'étaient imposés pour se gaver avant l'hiver. Survivre, c'est la base pour le contrôle qualité de la sélection naturelle ; c'est pourquoi les comportements de gavage, qui permettaient de survivre, ont été retenus.

Le minimum du "savoir-vivre" c'est de survivre

Dans la savane, le savoir-vivre était de se gaver.

C'est pourquoi nos animaux de compagnie deviennent obèses quand on a la faiblesse de remplir leur gamelle à leur demande ; ils ne savent pas se réguler par eux-mêmes. C'est le maître qui doit limiter la ration, simulant ainsi les restrictions d'une chasse peu fructueuse, d'une période de pénurie.

Nous sommes encore des chasseurs-cueilleurs...

Mais nous, nous n'avons plus de maître pour réguler les croquettes dans nos assiettes. Il y a encore peu de temps, la rareté de la nourriture était le maître qui régulait la ration ; aujourd'hui ça ne fonctionne plus, la nourriture est abondante...

« L'instinct qui nous pousse à engloutir des aliments très caloriques est profondément inscrit dans nos gènes. Nous pouvons bien habiter aujourd'hui de grands immeubles équipés de réfrigérateurs pleins à craquer, notre ADN croit encore que nous sommes dans la savane. » (Sapiens - Noah Harari)

L'évolution n'avait pas prévu qu'un jour il n'y aurait plus ou presque de pénurie. Ce jour est venu. Les techniques permettent maintenant de produire en abondance, au-delà des besoins.
Mais l'appétit immodéré est demeuré.

Nous avons la technique d'un dieu, mais encore le cerveau d'un primate (Sébastien Bohler). C'est ce cerveau de primate qui nous pousse à consommer sans modération la nourriture, et aussi des biens et services de toutes sortes, sans autre limite que notre pouvoir d'achat.

Il en résulte obésité pour nous, réchauffement climatique et épuisement des ressources pour la terre.

L'évolution a fait le job pendant des millions d'années. Mais maintenant le monde change trop vite, l'évolution n'arrive plus à suivre. C'est nous qui devons prendre la main, remplacer l'évolution, intervenir pour corriger les mécanismes naturels qui sont devenus nocifs.

L'évolution nous incitait à manger gras et sucré, et c'était bien ainsi autrefois. Mais maintenant le gras et le sucre sont abondants et les autorités sanitaires sont contraintes d'alerter, de répéter sans cesse de ne pas consommer "trop gras, trop sucré, trop salé".
C'est-à-dire qu'elles nous conseillent de ne pas suivre la nature, de ne pas céder aux tentations de la nature – au moins pas à celle-là.

L'argent ne fait pas le bonheur - Merci patron !

Notre ADN est un musée qui conserve des traits de nos parents, nos grands-parents, et bien au-delà ; c'est une machine à remonter le temps. L'hémoglobine qui rougit notre sang est cousine de la vieille chlorophylle qui verdit les champs, et la dopamine de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, la même, agit encore en nous. Transposée au monde de maintenant, la recherche du "maximum de nourriture" qui animait les chasseurs-cueilleurs est devenue la recherche du "maximum de pouvoir d'achat". C'est pourquoi les employés demandent des augmentations de salaire, c'est pourquoi les patrons les refusent. Le contraire serait surprenant, suspect ; imaginons que notre patron nous appelle dans son bureau et nous reçoive tout sourire :

- Je vous en prie, Monsieur LeChanceux, asseyez-vous, j'ai une excellente nouvelle à vous annoncer.

- Oui ?

- Je vous annonce que vous allez être augmenté.

- Ah ! Merci patron ; c'est sympa de votre part, mais ce n'est pas la peine ; j’ai justement relu Lucrèce hier soir, il m’a convaincu, je me contente de ce peu dont jamais il n'y a disette.

Le problème est que l'on risque de vexer son patron, ce qui n’est jamais souhaitable. Peut-être même nous demandera-t-il, inquiet, si nous allons bien, si nous ne sommes pas surmenés, si nous n’avons pas besoin d’aller voir un bon médecin… Parce qu’il faut bien le reconnaître, refuser un pouvoir d’achat supplémentaire est tout simplement suspect ; c’est un signe d’anomalie, de dérèglement, de maladie – même si ce n’est pas encore pris en charge par la sécurité sociale.

Ce qui est remarquable n'est pas que ceux qui ont de petits salaires réclament des augmentations... c'est que ceux qui ont de gros salaires en réclament aussi ! C'est-à-dire qu'on ne demande pas d'augmentation de salaire parce qu'on est dans le besoin, parce qu'on n'a pas de quoi se nourrir ; on le demande "naturellement", automatiquement, parce que nous sommes toujours "naturellement" en recherche de dopamine, de nouveaux plaisirs. Les plaisirs déjà obtenus se dessèchent et fanent rapidement, sans donner de fruits durables. Il faut tout de suite trouver des plaisirs nouveaux ; et donc demander une augmentation de salaire.

C'est pourquoi nous ne sommes jamais satisfaits.

Il a été mesuré que la proportion d'Américains se déclarant insatisfaits n'avait pas varié pendant une certaire période de trente ans, alors que dans le même temps le PIB avait crû de deux tiers.

"L'argent ne fait pas le bonheur"... (dans les pays développés).
... Mais de là à refuser une augmentation de salaire...

Tempête sous un crâne

Le cerveau s'est construit peu à peu au fil de l'évolution, empilant couche après couche les nouveautés sur les couches plus anciennes, comme des empilements de couches géologiques. Le vieux cerveau primitif, le cerveau dit reptilien, celui des besoins et des désirs est toujours présent, toujours nécessaire, toujours actif en dessous de la dernière nouveauté qui vient de sortir il y a à peine quelques milliers d'années, le cortex préfrontal. L'évolution n'a pas su hamoniser parfaitement ces différentes couches, il y a des combats, des tempêtes sous un crâne.

Le cortex préfrontal tente de canaliser les désirs et les pulsions qui montent des couches plus anciennes [9]. Mais il est trop jeune, encore faible pour résister aux vieilles passions, aux désirs, à la peur, qui assuraient notre survie autrefois.

Le cerveau rationnel est un étrange "objet".

Il est naturel, issu de la sélection naturelle.

Pourtant, paradoxalement, il est capable de résister à des automatismes que la nature a sélectionnés par ailleurs. De résister à la peur, à la satisfaction immédiate de tous les désirs... L'animal rationnel issu de l'évolution est même capable de donner sa vie pour une idée, de liberté par exemple ; donner sa vie n'a pas de sens du point de vue de l'évolution. L'homme est un animal rationnel étrange.

Toutefois l'homme rationnel ne peut agir que marginalement sur les mécanismes de base de la nature. Le vieux et puissant cerveau reptilien le submerge de ses émotions, de ses peurs. Nous sommes encore sous le contrôle du cerveau reptilien, pas complètement mais principalement.

« Les passions sont les vents qui enflent les voiles du navire ; elles le submergent quelquefois, mais sans elles il ne pourrait voguer. » (Voltaire).

Le navire vogue...
Mais vers où ? Vers quelles plages, quels récifs ?

Les bonnes intentions ne suffisent pas

Les saints, les sages, les philosophes, ont depuis longtemps identifié ces luttes internes sous nos crânes et en ont bâti diverses théories – la lutte du bien et du mal, de la grâce divine et de Satan le séducteur, des bas instincts du corps mortel et de l'âme immortelle, des anges et des démons... Tous prétendent faire grandir l'ange en nous, il existe, et éradiquer la bête, elle existe aussi. Mais « Qui veut faire l'ange fait la bête » (Pascal).

C'est pourquoi les recommandations pontifiantes, détachées de la réalité, qui ne tiennent pas compte de la nature humaine tout entière – de l'ange, et de la bête aussi – sont vouées à l'échec. L'appel de l'ADN, l'appétit de consommation et de confort sont trop puissants.

Il ne suffit pas de recommander la sobriété aux hommes (aux femmes aussi). Il ne suffit pas de recommander gentiment de baisser la température dans les appartements. Ça ne marche pas. L'ange accepte volontiers de baisser la température, quitte à mettre un pull ; mais la bête répond que c'est si bon quand il fait chaud, c'est si bon de faire comme le chat qui dort sur le radiateur. Et c'est la bête qui gagne.

Nous réagissons d'autant moins que pour l'instant nous ne subissons pas encore de gros inconvénients. "Jusqu'ici tout va bien".

Pourquoi remettre à aujourd'hui ce qu'on peut faire demain ?

L'illusion de l’éducation

Tout serait différent – peut-être – s'il était possible de corriger l'héritage de la savane par l'éducation.

En se méfiant toutefois du cousinage "éduquer / endoctriner"...

On sait corriger quelques réflexes naturels d'animaux sauvages, on le voit dans les cirques. Il s'agit de dressage, pas de l'éducation.
On a su également, en Chine, entraîner des enfants à brandir un petit livre rouge... c'est de l'endoctrinement, pas de l'éducation.

Prenons garde à ne pas écrire un petit livre vert.

Prenons garde de ne pas embrigader une jeunesse malléable, qui ira ensuite siéger aux tribunaux de l'inquisition écologique – comme ce "Tribunal International Monsanto", qui a siégé à La Haye en 2016.

On parle ici d'éduquer pour mieux connaître et contrôler l'héritage de la savane... mais, c'est justement, même si c'est avec des mots différents, ce que les sages et les religions tentent de faire depuis des millénaires, sans succès !

Peut-on faire mieux que les sages et les religions ?

La vie ne vaut pas d'être vécue sans smartphone

Ne nous faisons pas d'illusions. Les hommes demanderont encore des augmentations de salaire à leur patron, consommeront de la nourriture, des vêtements, des voitures. Ils auront des réfrigérateurs pleins de bouffe ou de malbouffe, des "Home cinéma" avec des écrans super-wide, ils auront eux aussi des enfants qui réclameront des vêtements à la mode du moment, un deux-roues pétaradant, et de l'argent de poche...

Parce que les produits et services dont on a pris l'habitude sont vite ressentis comme étant nécessaires, on ne conçoit pas de s'en séparer, de revenir en arrière comme lorsqu'ils n'existaient pas.

La vie vaut-elle d'être vécue sans smartphone ? À quoi bon...
Pourtant on s'en passait au temps où l'on communiquait par le tam-tam et les signaux de fumée.

Gengis Khan avait bien compris qu'on ne revient pas en arrière. Il vivait très écologiquement, mangeait frugalement, dormait à la belle étoile, méprisait le luxe ; mais, avec une rare lucidité, il avait prévu que ses cavaliers prendraient des habitudes de luxe : « Après nous, les gens de notre race se vêtiront d’habits dorés, mangeront des mets gras et sucrés, monteront d’excellents coursiers, presseront dans leurs bras les plus jolies femmes, et ils oublieront qu’ils nous le doivent. »

Il avait raison... maintenant nous mangeons trop gras, trop sucré.

Ce serait un rare manque de lucidité aujourd'hui d'imaginer que ceux qui maintenant sont habitués "à se vêtir d’habits dorés, à manger des mets gras et sucrés", vont revenir naturellement à plus de sobriété seulement en entendant à la radio des messages conseillant de ne pas manger "trop gras, trop sucré".

Le philosophe Sénèque, qui vivait sous les ors de la Rome impériale, a involontairement illustré cette incapacité à imaginer de vivre sans les services auxquels nous sommes habitués. Il a raconté un voyage avec peu de bagages, qui l'enchanta par sa simplicité. Ce voyage lui fit découvrir « combien nous avons d’objets superflus ». (Déjà à cette époque !) Mais il y a quand même des "objets" auxquels il était habitué dont il n'imaginait pas de se séparer : il ajoute qu'il voyageait avec « le peu d’esclaves que pouvait tenir un seul chariot » ! (Lettres à Lucilius, lettre LXXXI)

Nous avons encore des "esclaves" à notre service, aspirateur, machine à laver le linge, réfrigérateur... Combien d'esclaves pour faire aussi bien que la machine à laver ?

Nous allons encore au marché aux esclaves.
Ça s'appelle un magasin d'électroménagers.

Serions-nous capables, mieux que Sénèque, de renoncer aux services de ces nouveaux esclaves ? Non. Parce que dès que nous sommes habitués à un service nous le considérons comme un "droit acquis" ; nous l'exigeons. C'est ainsi qu'un accès Internet, un service de vidéo à la demande, etc., sont devenus des éléments du minimum vital, comme le pain. Même un petit luxe devient un "droit acquis" quand on a commencé à en goûter. « On ne peut même plus se payer un petit resto de temps en temps », a-t-on entendu dans les manifestations de défense du pouvoir d'achat. Le pouvoir d'achat augmente, mais nos envies augmentent plus vite encore. C'est pourquoi nous pleurons un pouvoir d'achat perçu qui diminue, car il est indexé sur nos envie qui enflent et non sur la réalité de notre pouvoir d'achat.

... [...] ...

« Les coutumes et les vêtements des hommes changeront, mais point leurs travers ni le fond de l'humaine nature ».

C'est pourquoi il y aura encore surconsommation et gaspillage.

... [...] ...

 

 

[4] Rare exception, les Mongols de Gengis Khan. L'idéal d’herbe et de vent de Gengis Khan est un vrai manifeste de sobriété écologique :
« Je veux instaurer partout le calme d'un cimetière, ôter les villes du plateau de l'Univers, afin que s'étendent partout des steppes infinies où paîtront les chevaux mongols, où se dresseront des campements silencieux, où les mongoles aux poitrines pleines nourriront de leur lait des enfants forts et joyeux. »
Lorsque Houlagou, petit-fils de Gengis Khan, prit Bagdad en 1258, il fut choqué en découvrant les richesses du palais du calife. Pour convaincre le calife de la vanité de ce luxe, on raconte qu'il le fit enfermer dans une pièce, avec tous ses trésors.
Le calife mourut de faim, convaincu.

[5] On critique parfois le "luxe tapageur"... Ce qui est critiqué c'est le tapage, pas le luxe.

[6] En 1979, Jean Paul II proclama saint François d’Assise patron céleste des écologistes.

[9] Avec parfois des dérives, le contrôle devenant obsessionnel comme dans le cas des ascètes, ermites, stylites, fakirs, flagellants, comme sont les vœux monastiques de chasteté.

 

 
 
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Mise à jour : 07 janvier 2023