Énergie, climat, alimentation. Adaptation des espèces.

 

 


L'agriculture biologique pourrait-elle nourrir toute l'humanité (sans déforestation) ?

 

L'agriculture bio pourrait-elle nourrir toute l'humanité ?

Oui.

L'agriculture bio peut-elle nourrir toute l'humanité sans conditions et sans déforestation ?

Non.

 

L’augmentation des populations et de leur pouvoir d’achat a deux conséquences.

- La nécessité de produire plus de nourriture. (Ou peut-être de manger autrement, on en reparlera.)

« Pour satisfaire la demande, l’agriculture en 2050 devra produire presque 50 pour cent de plus d’aliments et d’aliments pour animaux qu’en 2012. » (L’avenir de l’alimentation et de l’agriculture - FAO 2017)

- L'artificialisation des sols, par la croissance des villes, banlieues, routes, etc.

Il faut donc produire plus de nourriture, sur moins de terre.

L'agriculture bio pourrait-elle "faire le job" ?

On s'est déjà demandé Comment nourrir le monde ? - sans déforestation". Voyons plus particulièrement ce que l'agriculture biologique peut apporter, en plus – ou en moins – aux différents moyens dont nous disposons pour nourrir le monde.

Produire plus en accroissant les rendements ?

L'agriculture bio ne peut rien dans cette direction. Au contraire, elle va à contre-courant de ce qui est nécessaire pour nourrir l'humanité : elle s'impose des contraintes telles qu'elle a nécessairement de faibles rendements. En moyenne 20 % de rendement en moins que l'agriculture conventionnelle.

« L’analyse montre que l’AB souffre d’un handicap de productivité physique (moindres performances agronomiques et zootechniques.) » (Vers des agricultures à hautes performances. Volume 1. - Analyse des performances de l’agriculture biologique, Inra - 2013)

 

« Notre analyse des données disponibles montre que les rendements bio sont globalement inférieurs aux rendements conventionnels » (Comparing the yields of organic and conventional agriculture" Seufert - 2012)

 

« Nous avons analysé 362 études comparant les rendements de l'agriculture bio et de l'agriculture conventionnelle. L'écart est de 20 %, mais diffère selon les cultures et les régions » (The crop yield gap between organic and conventional agriculture - de Ponti - 2012)

La ressource "terre"

L'agriculture bio se flatte d'utiliser moins d'intrants – moins d’engrais, moins de pesticides... – que l'agriculture conventionnelle. C'est juste. Mais cela a un prix : des rendements plus faibles. Le résultat global est que le bio utilise plus de terre que l’agriculture conventionnelle pour une même production.

Le bio utilise davantage de l'intrant fondamental de l'agriculture, la terre.

L'agriculture bio consomme une ressource fondamentale,
rare, non renouvelable : la terre.

 

Combien faudrait-il de planètes Terre pour nourrir huit milliards de Terriens en agriculture bio
(sans déforestation) ?

 

Nous n'avons pas d'autres planètes sous la main...

« Il n’est pas possible de nourrir aujourd’hui six milliards de personnes, et neuf milliards en 2050, sans une utilisation judicieuse d’engrais chimiques”. [...] le potentiel de l’agriculture biologique n’est pas suffisant, loin s’en faut, pour nourrir le monde. » (Il faut utiliser des engrais chimiques pour nourrir le monde - FAO décembre 2007)

Alimentaire mon cher Watson !

 

Inventer de nouvelles agricultures
et de nouvelles variétés plus performantes ?

Il est éventuellement possible d’augmenter les rendements par des méthodes nouvelles, en développant de nouvelles agricultures, de nouvelles variétés.

Par exemple, la FAO encourage l'agriculture "de conservation", dont les bénéfices écologiques sont considérables. Cette agriculture nécessite l'utilisation de désherbant tel que le glyphosate... (Voir Huile de palme, glyphosate - Problèmes ou solutions ?)

... Mais le bio, s'interdit d'utiliser le glyphosate.

... Et des gouvernements de vieux pays, tétanisés devant le pourcentage de votes verts, envisagent d'interdire le glyphosate, interdisant les bénéfices écologiques de l'agriculture de conservation.

D’un autre côté, le génie génétique permet de créer des variétés plus performantes.

... Mais le bio s'interdit d'utiliser ces nouvelles variétés, ces OGM.

 

Abattre la forêt ?

La forêt a déjà commencé à disparaître. En développant l'agriculture bio on en "ajoute une couche" puisque l'agriculture bio nécessite plus de terre ; moins de rendement ici, c'est plus de produits alimentaires importés ici, c'est plus de déforestation exportée.

 

 

L'agriculture bio mange la forêt

De : The inconvenient truth about the environmental impact of organic farming

 

L'agriculture bio accélère la déforestation exportée.

 

« Nous n’allons pas nourrir 6 milliards d’êtres humains avec des engrais biologiques. Si nous essayons de le faire, nous abattrons la majorité de nos forêts. » (Norman Borlaug, Prix Nobel de la paix en 1970 pour sa participation à la révolution verte)

 

- L'agriculture bio peut-elle nourrir toute l'humanité ?
Oui.

- L'agriculture bio peut-elle nourrir toute l'humanité sans déforestation ?
Non.

Le bio du riche mange le grain du pauvre

La France, pays privilégié par sa terre et son climat, dont les deux mamelles sont labourage et pâturage, pourrait peut-être se permettre le luxe de ne pas courir après des rendements élevés, de cracher dans la soupe de l'agriculture conventionnelle et ne produire que du bio. Les Français aisés mangeraient encore à leur faim – les autres on ne sait pas. Mais on sait que les difficultés alimentaires dans le monde seraient aggravées ; la France produirait moins, exporterait moins, alors que des pays du Sud dépendent d'importations de nourriture :

« On estime que d’ici à 2050, les importations nettes de céréales des pays en voie de développement auront plus que doublé. » ("Comment nourrir le monde en 2050" - FAO, 2009)

Que se passerait-il – quelles émigrations, quelles famines peut-être – si le bio du riche tarissait les exportations ? Y aura-t-il un jour des "réfugiés du bio", comme il y a des réfugiés climatiques ?

 

Le bio du riche mange le grain du pauvre.

 

« Les citoyens des nations les plus aisées peuvent certainement se permettre des positions élitaires et payer plus pour de la nourriture produite selon des méthodes soi-disant naturelles. Mais le milliard de personnes qui souffre de malnutrition chronique et se contente des revenus les plus modestes ne le peut pas. » (Norman Borlaug, agronome, Prix Nobel de la paix en 1970 pour sa participation à la révolution verte).

Manger autrement

Au lieu de chercher à produire plus de nourriture, on pourrait chercher à manger autrement, mieux, moins. Peut-être serait-il ainsi possible de nourrir en bio les neuf milliards de Terriens que nous serons bientôt. Des études explorent cette hypothèse (par exemple Strategies for feeding the world more sustainably with organic agriculture - Nature Communication - 2017). Les conclusions sont que l'agriculture bio pourrait nourrir la planète ; mais attention, sous certaines conditions. Plus précisément, selon cette étude :

 

1] Pour nourrir la planète en extrapolant les conditions démographiques et agricoles actuelles (agriculture conventionnelle), il faudrait 6 % de terre en plus en 2050 par rapport à la période 2005-2009.

2] Mais en passant à 100 % d'agriculture bio il faudrait 16 à 33 % de terre en plus en 2050.

Il en résulterait une déforestation accrue de 8 % à 15 %.

3] Néanmoins, une agriculture 100 % biologique pourrait quand même nourrir toute la planète, sans impact sur l'environnement... mais attention, seulement si on réduisait la consommation de protéines animales et le gaspillage alimentaire.

 

Les médias répercutent ces études... mais le plus souvent en ne citant qu'un seul point : "l'agriculture bio pourrait nourrir la planète".

En "oubliant" de préciser que ce ne serait possible que "SI"... Si on mangeait moins viande, si on gaspillait moins.

Avec des "si" on pourrait mettre Paris en bouteille...

Il est vrai que la production de viande nécessite énormément de ressources et de terre et qu'il est souhaitable d'en réduire la consommation.

Le problème est que la consommation de viande dans le monde croît ; et cette croissance vient... de ceux à qui on ne peut pas demander d'en consommer moins ! Elle vient paradoxalement de ceux qui ne consomment que très peu de viande ; elle vient des foules des pays émergents, en Chine, en Inde, etc. Chacun en mange peu, mais ils sont nombreux, et ils en consomment chaque jour un peu plus à mesure que leur pouvoir d'achat augmente. C'est ainsi que la consommation de viande augmente inévitablement dans le monde. (Voir sur ce site La viande rouge n'est pas verte).

Les Indiens devraient-ils manger encore moins de viande...
… pour permettre aux pays riches de manger bio ?

Les engrais bio

Il faudrait manger moins de viande pour que l'agriculture bio puisse nourrir le monde...

Mais... rappelons que chaque récolte prélève un peu des nutriments du sol (azote et autres). Cela se compense par des apports d'engrais. Dans le cas de l'agriculture bio les engrais minéraux, dits "chimiques", sont interdits ; on utilise des excréments animaux. Mais si on élève moins d'animaux il y aura moins d'excréments, encore moins de rendement en bio, il faudra encore plus de terre ; et déforester encore.

Consommer moins de viande est un impératif ;
mais l'agriculture bio a besoin de l'élevage.

Le bio est-il une vache sacrée ?

agriculture biologique une nouvelle religion

 

 

Pour les amateurs, le bio c'est la nature enchantée, les fleurs, les papillons, c'est l'ambroisie nouvelle, la divine nourriture qui donne l'immortalité. Ces choses-là ne se critiquent pas, le bio est intouchable – comme était l'Église au Moyen Âge, ou le petit livre rouge de Mao en Chine, ou une vache sacrée en Inde.

Si l'agriculture bio sortait de sa niche d'alimentation pour privilégiés crédules, si elle se développait notablement à l'échelle mondiale, elle serait une cause notable de déforestation exportée.

Cela mérite que l'on débatte sérieusement de ses avantages et inconvénients ; ce n'est pas un dogme intouchable.

 

... [...] ...

Le bio est-il meilleur pour la santé ? (... ou moins bon)

... [...] ...

 


 

 


 

 
 
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liens externes pour ce sujet 

Mission d'animation des agrobiosciences


 

Mise à jour : 12 janvier 2023