Une écologie réaliste
Sans dogmes
Économiser, partager, consommer moins et mieux... La consommation durable
Il faudrait partager, économiser, consommer mieux, moins. Mais que faire des économies ainsi réalisées ? Les économies n'existent pas. Économiser, ce n'est que reculer pour mieux dépenser. Vers un monde durable : troquer du pouvoir d'achat contre du temps libre ?
Il faudrait consommer moins... ce qui ne soulève pas un fol enthousiasme. Rares sont les manifestations pour demander une réduction de salaire. Alors on a inventé une autre idée, plus sexy : "continuons à consommer, il suffit de consommer mieux, autrement". Il "suffirait" d'un nouveau monde, où les hommes ne remplaceraient pas un vieil appareil encore vaillant par un autre, plus récent et plus aguichant : ils ne jetteraient pas leur vieille machine à laver, ils la garderaient auprès d'eux, en prendraient soin, au lieu de la remplacer par une petite jeune fraîche et pimpante ; ils isoleraient mieux leur logement ; ils ne jetteraient pas leurs vêtements encore presque neufs pour suivre la mode ; ils prendraient un vélo plutôt que leur voiture, ou ne voyageraient pas seul dans une voiture de quatre places, ils partageraient. Ce serait un monde merveilleux de sobriété et de partage, peuplé de femmes et d'hommes merveilleux qui ne succomberaient plus aux sirènes de la mode et de la publicité [1]. Mais ces hommes-là et ces femmes-là n'existent pas – en dehors de quelques moines ermites, qui justement n'ont pas de machine à laver et ne suivent pas la mode. Les économies n'existent pasEt même si ce monde merveilleux de sobriété et de partage existait un jour... et après ? Après... il resterait sur les bras le pouvoir d'achat économisé, non (encore) dépensé. Avec ce problème angoissant... que faire des économies ? Il faut penser au coup d'après, les économies ne resteront pas éternellement dans un bas de laine, elles seront dépensées tôt ou tard, par nous, par nos héritiers, ou par quelque brave personne dévouée de bonne volonté. Les moines du Moyen Âge qui avaient fait vœu de pauvreté avaient bien compris le paradoxe : "comment, vivant de peu, ne pas finir par dormir sur un matelas d'économies ?" La solution était dans la formule d'alors, "Moine pauvre, abbaye riche". Les pauvres moines travaillaient comme des forçats, beaucoup, consommaient comme des forçats, peu, et donc accumulaient des montagnes d'économies. Ce sont ces économies qui devenaient de grandioses abbayes, dont la construction engloutissait énormément de ressources et de sueur. Que faire – autre que des abbayes – d'un pouvoir d'achat non dépensé ? Quelques-uns peut-être suivront l’exemple du maître en économies, Harpagon, qui enterrait sa chère cassette dans le jardin. Mais tout le monde n’a pas de jardin. Les autres, la plupart, résisteront-ils à ces économies qui brûlent les doigts d'être utilisées ? Ou finiront-ils par craquer et par les dépenser en vanités ? Pour être certains de ne pas recycler les économies en nouvelle consommation, la solution serait peut-être organiser des autodafés les soirs de pleine lune, où chacun jetterait les billets de banque qu'il aurait économisés – genre le "bûcher des vanités" de Savonarole [2]. Économiser, partager, consommer moins et mieux... ?
En allant au travail à vélo on économise... Mais, à quoi bon ce petit geste pour sauver la planète, si les économies de carburant ainsi réalisées sont utilisées pour s'offrir un voyage en voiture pendant le week-end ? (À part que le vélo, c'est bon pour la santé). Qu'importe la vertu écologique de la force du mollet de quelques jeunes sportifs, quand elle est effacée le week-end suivant ? Les économies n'existent pas. En outre, imaginons une personne à gros revenu qui déciderait de vivre sobrement et frugalement dans un tout petit appartement. Pour rien, rien d'autre que pour "sauver la planète" – ce qui n'est pas rien. Si cette personne est mariée, avec des enfants... comment fera-t-elle partager sa sobriété à sa famille ? Récriminations et divorce et en vue ! (ce fut le cas d'Harpagon avec ses enfants, Molière avait déjà compris le problème.) Et même si par extraordinaire quelqu'un faisait vraiment des économies – un moine ermite retiré en haut d'une montagne, un dépressif las de vivre – son pouvoir d'achat ne disparaîtrait pas pour autant, ses héritiers s'en chargeraient avec plaisir. Le pouvoir d'achat est toujours dépensé, tôt ou tard. L'énergie clandestine - "Avez-vous de l'énergie à déclarer ?"Pour soulager la planète il ne suffit pas d'économiser, il faudrait vraiment consommer moins, particulièrement moins d'énergie... Le problème est qu'il y a de l'énergie partout ! Pas seulement sous sa forme visible, charbon, pétrole, électricité, etc., il y a aussi de l'énergie dans presque tous les produits. Il y a de l'énergie, cachée, clandestine, sournoise, tapie partout, dans le béton, l’acier, le verre, le coton, un pot de yaourt plein, un pot de yaourt vide, etc. La moitié seulement de l’énergie consommée en France est de l’énergie honnêtement déclarée et comptabilisée en tant que telle : le chauffage des appartements, l'éclairage, les transports… L'autre moitié est de l'énergie clandestine, grise, cachée dans tout ce que nous consommons ; "Avez-vous de l'énergie à déclarer ?" L'énergie clandestine est celle qui est brûlée dans l’exploitation des mines, la transformation des matières premières, la fabrication, le conditionnement, le transport jusque dans nos maisons, etc [3]. Avec l'énergie d'aujourd'hui, très carbonée, il y a des kg d’équivalent carbone clandestins dans chaque kg de produit manufacturé ; il y a du charbon dans mon pantalon – 7 kg de CO2 émis pour fabriquer et distribuer mon pantalon. Mon PC super léger pèse 350 kg ! 350 kg de CO2. Il y a aussi du pétrole dans mon bifteck : 2 à 3 kg d'équivalent pétrole dans un kilo de bœuf. Un Européen moyen, pèse environ deux tonnes ; deux tonnes de CO2 par an, seulement pour sa nourriture. Nous mangeons du pétrole [4] ! Pour "Économiser l'énergie", il ne suffit pas de consommer moins d’énergie visible et déclarée, de l’essence, du fioul, du charbon, il faut consommer moins de tout ; moins de kilomètres en voiture ou en avion évidemment, mais aussi moins de bibelots et de pantalons… Environ 40 % de l'empreinte carbone d'un Français est cachée dans son alimentation et ses biens de consommation. C'est parce qu'il y a de l'énergie clandestine partout que des petits gestes supposés vertueux peuvent avoir des effets négatifs. Par exemple nous débranchons nos chargeurs de téléphone et nous éteignons soigneusement la veille de la télévision. Bravo ! Nous avons ainsi économisé un peu d’énergie à notre modeste petit niveau. C’est bon pour la planète, mais en plus, c’est également bon pour notre budget. Nous avons gagné le beurre et l’argent du beurre ! Sauf… sauf que ces quelques sous d’énergie que nous avons économisés sont donc maintenant disponibles dans notre budget ; qu’en ferons-nous ? Les cacher sous le matelas ? Dans la plupart des cas, les économies ainsi réalisées seront utilisées pour d’autres dépenses. Les économies n'existent pas, ce qui est économisé d'un côté sera dépensé d'un autre côté tôt ou tard. Par exemple, on achètera une nouvelle robe ou un nouveau pantalon ; un de plus. (Voir Les économies n'existent pas - Le pouvoir d'achat sera dépensé tôt ou tard Hélas, un pantalon aussi, comme pratiquement tout ce que nous consommons, c’est AUSSI de l’énergie et donc du CO2 émis. Un pantalon, c’est d’abord un champ de coton, dans lequel un tracteur a répandu de l’engrais et des pesticides. Pour faire de l’engrais et des pesticides il faut de l’énergie, du pétrole, avec émission de CO2... Pour faire avancer le tracteur il faut de l’énergie, du pétrole, avec émission de CO2... Le coton sera récolté, puis transporté. Il faudra encore de l’énergie, du pétrole, avec émission de CO2... Le coton sera filé, puis tissé… il faudra de l’énergie, du pétrole, avec émission de CO2... Le pantalon fabriqué, emballé, sera transporté… il faudra de l’énergie, du pétrole, avec émission de CO2... Le pantalon sera mis en vente, dans un magasin éclairé, chauffé... Le pantalon sera acheté... … et puisque nous sommes en absurdie, il sera jeté au bout de quelque temps, parce qu'il ne plaira plus, ou ne sera plus à la mode. Finalement, en France, où l’électricité est principalement nucléaire, avec de faibles émissions de CO2, économiser un peu d’électricité pour investir ensuite dans un pantalon est une vraiment fausse bonne idée ; il peut en résulter plus de CO2 émis sur la planète, en comptant le champ de coton en Asie, la filature Dieu sait où, le cargo sur l’océan, la boutique de pantalon, etc.
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Vers un monde durable : troquer du pouvoir d'achat contre du temps libre ?Pour limiter les émissions de CO2 et moins puiser dans les ressources de la terre il faudrait consommer moins, moins de tout . Économiser, consommer autrement, etc., sont des illusions ; tout ce que le pouvoir d'achat permet de consommer sera consommé, tôt ou tard. Le maître du jeu c'est le pouvoir d'achat. Mais comment consommer moins si le pouvoir d'achat croît ? Consommer moins en économisant ? La consommation ne sera que retardée. Faire des dons ? La consommation sera faite par d'autres. Cacher son argent sous le matelas ? Il sera découvert un jour ou l'autre. Le pouvoir d'achat est fait pour ça, pour être consommé, tôt ou tard, transformé en biens ou services, par nous, nos héritiers, ou à défaut par quelque brave personne dévouée de bonne volonté, on trouvera facilement des volontaires. (Voir sur ce site Les économies n'existent pas - Le pouvoir d'achat sera dépensé tôt ou tard) C'est-à-dire que pour consommer moins il n'y a pas d'autre façon que de disposer de moins de pouvoir d'achat (dans les pays développés). Mais qui a envie que son pouvoir d'achat diminue ? Cette voie semble sans issue. ... A moins peut-être de proposer un troc ? Proposer une réduction du pouvoir d'achat contre une autre richesse, contre du temps libre. Moins de pouvoir d'achat mais plus de temps pour la passion, l'émotion, l’échange, le sexe, plus d’appétit de connaissance, de soi, des autres, du monde, du présent, du passé, du futur. Plus pauvre en objets mais plus riche en qualité de vie ; plus de liens et non plus de biens ; plus de sagesse et non plus de richesse... Le problème est que pour souhaiter croître en sagesse plus qu'en richesse il faut déjà avoir acquis un minimum de richesse, ce qui écarte les pauvres et émergents. Et pour souhaiter croître en sagesse il faut avoir déjà acquis un minimum de sagesse... Sommes-nous prêts à accepter une réduction de pouvoir d'achat en échange de plus de temps libre ? Moins de vêtements à la mode contre plus de temps pour enfin lire tous ces livres que nous avons achetés et à peine ouverts ; et pour en discuter avec d'autres. Il est vrai que nous aimons le temps libre, le dolce far niente, et nous le chantons : « Le travail c'est la santé, ne rien faire, c'est la conserver… » ; mais combien de temps sans rien faire ? Un moment, ça va, mais deux moments ? Le problème est qu'avec moins de pouvoir d'achat il peut être difficile de meubler les heures de loisir, qui peuvent devenir des heures d'ennui. Pascal déjà avait compris que « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre » ; il est vrai que seuls les moines et les prisonniers en sont capables. Et cela, explique Pascal, parce que nous avons besoin d’oublier « le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près ». De sorte que pour oublier il nous faut nous agiter, bouger, nous divertir – ou même travailler, le travail étant un divertissement, au sens où il nous distrait de penser à notre condition souffrante et mortelle. Combien de travailleurs font mine d’attendre la retraite avec impatience… mais la redoutent aussi. « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin. [...] Travaillons sans raisonner, c'est le seul moyen de rendre la vie supportable. » (Voltaire - Candide). L'illusion de l’éducation et de la "prise de conscience"Bien entendu tout serait différent si les hommes étaient différents. On trouve ainsi quantité de recommandations supposées résoudre les problèmes de l'humanité... qui marcheraient bien... si les hommes n'étaient pas ce qu'ils sont. "Il suffirait que les hommes soient sobres"... ... Oui, mais ils ne le sont pas ! "Il suffirait que les hommes soient partageurs"... ... Oui, mais ils ne le sont pas ! "Il suffirait que les hommes soient raisonnables"... ...Oui, mais ils ne le sont pas ! Etc. [...]
Les enfants n’en font qu’à leur têteLa solution pourrait être l’éducation des jeunes, soupirent tristement ceux qui constatent qu’en ce qui concerne les adultes, la bataille est déjà perdue. [...]
[1] On a trouvé un bouc émissaire : la publicité. Ce bouc émissaire serait... un serpent ; ce serait le serpent tentateur qui crée l'envie de consommer, à laquelle notre volonté ne saurait résister. Mais... a-t-on vraiment besoin d'être sollicité pour avoir envie ? La publicité ne crée pas l'envie, l'envie fait partie de la nature humaine – elle existait déjà dans le jardin d'Eden avant même que le serpent s'en mêle. Le passage de l'envie à l'acte, à la consommation, c'est le pouvoir d'achat qui le permet ; la publicité ne fait qu'orienter la consommation vers tel ou tel produit, telle ou telle marque. [2] Savonarole, un intégriste parmi d'autres, avant lui, après lui. [3] Le paradoxe est que les produits qui contiennent le moins de CO2 et de matériaux, par rapport au pouvoir d'achat qu'ils captent, sont les produits de luxe, les œuvres d'art ; un tableau de maître, une montre de luxe... le luxe est écologique ! [4] Aux États-Unis, il faut dépenser dix calories de carburant fossile pour produire une calorie de nourriture.
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Mise à jour : 14 mars 2021